Deuxième ePrix de Monaco et point sur l’électrique

La seconde édition du ePrix de Monaco s’est déroulée le samedi 13 mai 2017 sous un soleil fort agréable. Ce Grand Prix de voitures électriques prend place sur une partie du tracé du « vrai » Grand Prix monégasque. La première édition a eu lieu en 2015 ; les Grands Prix Historiques et les ePrix s’alternent. La troisième édition aura donc lieu en 2019.
Tracé du circuit de Monaco pour la Formula E
Un tracé sans montée du Beau Rivage pour préserver l’autonomie.
Alors, est-ce une F1 électrique, une série à part entière ou juste un essai de style de la FIA ?

La voiture électrique

Commençons tout d’abord par la voiture électrique dans son ensemble. Il faut avouer qu’elle n’a pas que des adeptes et se traîne une réputation assez peu glorieuse. Premièrement, le gros problème de l’électrique, surtout si vous êtes un Rupteur invétéré, c’est son aspect voiturette. Il n’y a que depuis ces dernières années que des constructeurs comme Tesla font rêver avec des voitures électriques. La Twizy ou la ZOE, qui sont la majorité du parc français, restent assez peu attirantes.
Voiturette VS Tesla
De la voiture sans permis au roadster sexy.
Le deuxième soucis réside dans la sonorité de ces autos ou plutôt leur manque de sonorité. Sérieux… qui a déjà préféré le bruit de voiture télécommandé d’une Twizy ou une Tesla à celui d’une Mustang ? L’avant-dernier problème n’en est plus vraiment un mais reste ancré dans la mentalité de certains : c’est lent l’électrique ! Avec leur couple instantané, les voitures qui fonctionnent avec la même énergie que les ampoules du lustre en cristal de mémé ont pourtant une pêche d’enfer. Là, nous rejoignons l’ennui majeur instauré par les premiers engins motorisés par batterie, au look « voiture sans-permis ». Mais c’est fini les cubes sur roues avec une VMax de 20 km/h et une pêche de lamantin drogué aux fraises Tagada. Sur l’exercice du 0 à 100 km/h, la Tesla S a pour notoriété mondiale de ridiculiser 95 % de la production automobile au pétrole. L’ultime couple de difficultés que rencontrent ces voitures au carburant radioactif (ben oui, 84 % de l’électricité française est nucléaire), ce sont l’autonomie et la recharge. Ca s’améliore de plus en plus ; la dernière Renault ZOE peut rouler 403 km avec 1 h 05 de charge rapide ! Mais, ça reste le point noir de ces véhicules quand on sait que le plein d’une voiture conventionnelle ne prend pas plus de 5 minutes pour une autonomie supérieure à 450 bornes.
Renault Twizy Sport F1 2013
Si avec ça tu ne grilles pas le premier kéké en 206 tuning…
Du coup, avec ces stéréotypes, la Formula E, dans sa globalité, fait débat. Elle en fait rêver certains et met le doute voire attire la haine des autres.

Un point sur la Formula E

La Formule E ou Formula E a été créée en 2014 sous l’impulsion de Jean Todt. Il y a vu l’avenir de l’automobile et considère cette série comme un laboratoire pour les véhicules alimentés électriquement. C’est logique puisque la compétition a toujours eu des effets positifs sur le marché automobile. Or, il y a deux facettes dans cette notion expérimentale : le côté « show » qui attire les spectateurs et la facette « développement ».

Show les p’tits marrons

Pour séduire, la voiture électrique doit se montrer sous son meilleur jour. Car oui, se cantonner aux stéréotypes précédemment cités, c’est comme représenter la voiture à essence avec une Aixam ou une Fiat Multipla… Du coup, la Formule E (en franco-français) est la meilleure chose qui puisse arriver au mode d’alimentation et de propulsion du « futur ». D’autant que le package est complet :

Des circuits en ville

Cette série a réussi à trouver des terrains de jeu inédits !!! Combien de fois avons-nous, nous les Français, fantasmé sur un circuit dans la capitale ? Un circuit au milieu des buildings New-Yorkais, à part dans Forza… c’est du jamais vu ! Ca, c’est le premier tour de force de la Formula E. Outre le cadre, aller dans des villes ou des capitales, c’est aller directement au contact du public. La course ne se passe pas à huit clos dans l’enceinte d’un autodrome bien isolé et seulement ouvert aux mordus de vitesse. Faire courir de tels bolides sur les routes de tous les jours, ça amène un certain intérêt à Monsieur Tout-Le-Monde. Certes, il y aura toujours des détracteurs frustrés mais les ePrix ont un autre avantage…

Un format raccourci

En effet, pour ne pas immobiliser les rues trop longtemps, les ePrix se déroulent généralement en une journée ! Le matin des essais libres, peu avant midi des qualifs et dans l’après-midi la course. Habitant à Monaco, je peux vous affirmer que ce format plaît plus que celui de la F1 sous 4 jours (le GP de Monaco commence le jeudi et finit le dimanche). Les habitants sont plus heureux et il n’y a pas que ça qui leur plaît…

Nuisances sonores plus que réduites

Un élément qui peut rebuter les Rupteurs comme vous et moi et qui a été évoqué dans les vilains défauts de l’électrique devient un avantage. En tant que résident monégasque, je peux encore vous faire part d’une remarque compréhensible que j’entends très souvent : les gens résidant sur ou à proximité du circuit en ont marre de se faire réveiller ou d’entendre à longueur de journée des moteurs. Vous allez me dire qu’avec l’époque turbo, ça va mieux… mais il y a encore des séries (F2 ex-GP2 ou Porsche) qui vous arrachent correctement les oreilles.

Le public impliqué

Ce championnat a été pensé par la FIA pour être au cœur du public et des fans. D’abord, il y a l’usage massif des réseaux sociaux traditionnels (Facebook, Twitter ou Instagram) avec des CM qui likent facilement les interventions du pékin moyen dont votre serviteur. Quelque part, le lien se fait plus facilement qu’avec la F1. En Formule 1, la FIA est plus hautaine en créant une distance avec le spectateur s’il n’est pas VIP, chose que Liberty Media veut changer. Pour couronner ce domaine communautaire,  il y a une vraie innovation : permettre aux gens de donner un surplus de puissance à leurs pilotes favoris. Le bien nommé « FanBoost » est, en plus, simple à attribuer. Via un site web ou une des applis (iOs et Android), vous cliquez sur votre poulain. Qui n’a jamais rêvé de clamer son amour pour son pilote préféré en lui donnant un coup de pouce de façon directe ? Ca, c’est balèze et bien fichu.

Le labo nomade

Je vous présente déjà mes excuses car je ne vais pas avoir de scoop à vous annoncer. Je ne suis pas ingénieur dans ce domaine et n’ai pas de contact chez Renault pour connaître l’impact réel sur la R&D. Débutons par un simple constat. Les voitures électriques sont souvent lourdes et rentrent dans un cercle vicieux :
  1. Faibles performances ? On balance plus de puissance, au détriment de l’autonomie.
  2. Pas assez d’autonomie ? On augmente le nombre de batteries.
  3. Plus de batteries = plus de poids.
  4. Plus de poids = moins de performance et d’autonomie.
  5. On recommence.
Déjà, ce que je peux dire, c’est que le défaut d’autonomie, dont souffrent les voitures électriques, fera des progrès avec une telle application sportive. Ce n’est pas encore ça mais ça progresse. Outre le couple autonomie/consommation, il y a aussi la gestion des batteries : chaleur, taille, poids et recharge. Dans la compétition automobile, il y règne la chasse au poids : « Lighter is better ». Du coup, avec des voitures lourdes « de naissance », les impliquer dans ce domaine exigeant, c’est amené des solutions rapidement. Pour ce qui est de fiabilité, dont la surchauffe des batteries, il est également certain que la course fera faire d’énormes progrès aux voitures de série. Pour la recharge, il n’y a pas encore de solution visible en course mais il est sûr que la recharge par induction est dans les tuyaux. Finalement, un autre avantage de ce championnat est que les monoplaces sont quasi-identiques. Elles l’étaient complètement lors de la première saison mais l’année d’après, ceci a légèrement évolué et les équipes peuvent opter pour des propulseurs de leur choix. Ainsi, il n’y a pas de problème à la Honda en F1 où seulement une écurie (bientôt deux, d’ailleurs) développe les pièces.

Edit suite au Journal de 20 h de TF1 du 20/05/2017

Le 20 h de TF1 suivant l’ePrix de Paris nous a fait part des applications des recherches en Formula E sur les voitures électriques de série. Les freins et le système de récupération d’énergie sont les premières applications concrètes. Après recherche, il ne s’agit pas d’une création de la Formule E mais de la F1 avec l’ERS de 2009. S’agit-il d’un système plus évolué propre aux véhicules 100 % électrique ? L’autonomie a été le deuxième point mentionné avec un doublement de la portée pour un modèle de série Renault. Il s’agit sûrement la ZOE qui a évolué de ce côté-là en décembre 2016. Le dernier point est le plus important soulevé par le reportage. Le bruit fait l’objet d’expériences chez DS (Citroën) avec un système d’amplification du son pour la sécurité des piétons et rajouter un côté sportif, donc plus attirant.

Et cet ePrix de Monaco dans tout ça ?

Nostalgie et action

Ce que j’ai pu voir en assistant en personne à deux journées d’ePrix à Monaco, c’est cet atmosphère à l’ancienne. Je parlais de la froideur de la F1 si vous n’étiez pas VIP et là, c’est tout le contraire. Ca me renvoie aux années 80-90 où les pilotes étaient plus accessibles , où les journalistes pouvaient approcher les voitures sans trouver un mur de mécanos qui planque les détails des bolides et etc. Il y a un réel côté « populaire ».
Sébastien Buemi & TheF1Joker
Comme un gosse à côté du champion du monde en titre, Sébastien Buemi.
Dépassons ma mélancolie pour une époque révolue et parlons du vrai point fort de la Formula E : elles sont carénées et solides. Du coup, les pilotes vont au contact et n’ont pas peur de tenter plus de choses que dans la catégorie reine. Dernier point positif, la Formula E a un système d’arrêt aux stands en milieu de course pour changer carrément de voiture. La charge instantanée n’existant pas encore, il fallait bien trouver un moyen pour faire des courses de plus d’une demi-heure. Ceci amène du piment à la course avec des possibilités de stratégie sur la consommation ou les risques. Un pilote avec une voiture cassée peut rentrer au stand et repartir avec un bolide flambant neuf… et ça peut relancer la course d’un pilote. Avec cette épreuve d’échange de monoplace, je note aussi un certain esprit « départ en courant » d’antan.

Alors, tout est beau, tout est rose ?

Seul bémol pour moi en tant que spectateur… ce p*t@!n de « EJ » (à prononcer « idjay ») !!! Ils te passent de la musique électronique tellement forte que t’as encore plus mal aux oreilles que pendant un vrai Grand Prix. La musique n’étant pas bonne (les goûts, les couleurs, tout ça), tu ressors vite avec un mal de crâne. Surtout qu’au final… le son de ces voitures n’est pas aussi déplaisant qu’il n’y paraît. L’autre élément qui me pose problème, mais qui n’est pas propre à cette série puisque la F1 est elle aussi touchée, c’est la gestion de la consommation…
Consos en Formula E
Il est où le chargeur de mon smartphone ?
SÉRIEUSEMENT ?! Nous sommes au sommet de la course automobile et il faut se donner une pseudo bonne conscience écologique ? Dois-je rappeler que l’électricité française est, à très grande majorité, nucléaire ? Pour pousser le coup de gueule jusqu’au bout, il avait été révélé que la pollution d’une étape du Tour de France cycliste (sport supposé vert) était supérieure à celle d’un Grand Prix automobile… Passez à trois voitures et envoyez les Watts !

Rendez-vous en 2019 !

Encore une fois, je suis enchanté par ce championnat. Selon moi, il s’agit bien d’une discipline à part entière et non d’un substitut pour combler un trou « en attendant ». Il y a des pilotes de premier ordre et les écuries engagées s’investissent réellement. J’ai vraiment hâte de retrouver cette course chez moi dans deux ans. Entre-temps, il y aura eu deux Grands Prix de F1 et un Grand Prix Historique pour me faire gentiment patienter.
Nicolas Prost au 2e ePrix de Monaco
On se revoit dans deux ans, Nicolas Prost ?
Vous pourrez retrouver l’intégralité de mes photos sur cet événement chez Google Photos. Crédit photos : Mahlum – voiturette électrique Mariordo (Mario Roberto Durán Ortiz) – Twizy Sport F1