Charles Leclerc : chronique d’un champion annoncé

Depuis son parcours en GP3, Charles Leclerc ne cesse de susciter l’admiration des observateurs et des fans. Certains le voient déjà au panthéon de la discipline reine. Et si c’était lui, le nouveau prodige de la F1 ? Peu d’appelés, et peu d’élus : la discipline reine du sport automobile est un univers impitoyable. De star montante à espoir déchu, il n’y a parfois qu’un pas. Un pas que Charles Leclerc ne veut pas franchir. Champion précoce au talent époustouflant, le pilote Monégasque appartient à ce cercle très restreint des pilotes dont les aptitudes semblent innées. Le dernier gaillard en date à avoir fait pareille sensation se prénommait Lewis Hamilton. Né sur les bords de la Méditerranée durant l’automne 1997, Charles Leclerc ne développe pas immédiatement un goût prononcé pour l’automobile. « Lorsque j’étais petit, je regardais les Grands Prix, et je cherchais toujours la voiture rouge. Mais nous ne parlions pas vraiment de F1 ou de voitures en famille. Ce n’est qu’à l’âge de 4 ans que j’ai effectué mes premiers essais en karting et ce fut une révélation. Mon père était très heureux car il faisait partie de ce milieu-là » avait expliqué un jour le pilote en marge d’un Grand Prix.

Révélation dans les formules de promotion

Et quelle révélation ! Dès 2007, Leclerc va enchaîner les exploits et les titres à bord de son kart. Champion de France en 2009, il remporte la coupe du monde 2011 CIK-FIA KF3 en obtenant la pole position et le meilleur tour. En 2012, il est champion WSK Series KF2, vice-champion d’Europe CIK-FIA KF2 et est couronné vice-champion du monde U18 en manquant le titre pour … 1 point ! En 2013, en KZ, il remporte la Winter Cup et termine vice-champion du Monde CIK-FIA KZ, derrière Max Verstappen. Il goûte aux joies de la monoplace l’année suivante en intégrant Foretc Motorsports en Formula Renault ALPS. Vice-champion dès sa première campagne, son accession en F3 n’est que la suite logique de son parcours. Le petit prodige loupe le titre à cause du manque de compétitivité de sa monture, mais bat à plate couture des futurs collègues : Stroll, Albon et Russell. Ses performances impressionnent, à tel point que les têtes pensantes de la Scuderia Ferrari lui proposent de rejoindre les rangs de la Ferrari Driver Academy. « Il est très déterminé et ne court que pour gagner. C’est la marque de fabrique des grands champions » dira un jour Massimo Rivola, ancien responsable de la FDA. Lors de son titre en GP3 Series, Leclerc assomme la concurrence dès les essais et décroche facilement le titre. Le monde entier découvre alors un jeune homme persévérant, voire opiniâtre, dont la régularité en piste impressionne. Il confirme les attentes placées en lui dans l’antichambre de la F1, qu’il domine de la tête et des épaules en 2017. L’Alfa Romeo Sauber le recrute logiquement l’année suivante et le Monégasque atteint l’un de ses rêves : être pilote titulaire en F1.

Le goût aiguë  du travail

Tous les champions vous le certifieront : pas de résultats sans travail. Conscient de son potentiel hors-norme, le jeune homme sait pourtant qu’il ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Après un début de saison laborieux en F1 – de ses propres dires – un changement fondamental va changer la donne en Azerbaïdjan. En seulement trois courses, Leclerc comprend que son style de pilotage, hérité des formules de promotion, ne convient pas aux monoplaces de F1 contemporaines. Pour maîtriser les exigences d’une machine de Grand Prix, un pilote doit adopter une approche opposée à celle dont il a l’habitude. « Les voitures GP3 et Formule 2 se règlent avec beaucoup de survirage. C’est la voie à suivre pour aller vite » déclarait-il à Bakou. « En adoptant une configuration davantage axée sur le sous-virage, je ne m’attendais pas à aller plus vite. Mais cela semble être la façon dont ces voitures fonctionnent ». Une prise de conscience qui reflète l’intelligence et surtout le boulot de celui qui remplacera Kimi Raikkonen cette saison. La vitesse en qualifications de Leclerc à bord de la Sauber C37, qui lui a permis de se qualifier pour la Q2, était particulièrement remarquable et amorçait une saison pour le moins impressionnante. À la clef, le meilleur résultat de sa carrière en F1 avec une 6e place au soir du Grand Prix d’Azerbaïdjan après une course impeccable, même si légèrement aidée par les circonstances.

Comme si tout était déjà écrit

Avec dix arrivées dans les points en 21 courses, au bord d’une modeste monoplace, la première saison de Leclerc est une réussite sur tous les plans. Il n’en fallait pas davantage pour que Ferrari le recrute après seulement une seule saison complète à son actif. La Scuderia, généralement frileuse à l’idée de faire confiance aux jeunes pousses, ne nous avait plus habitué à pareil risque depuis le recrutement de Gilles Villeneuve en 1977 au volant de la 312T2 (Ferrari 3,0 12 à plat, pour les puristes). Convaincu qu’“aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années”, Ferrari a sauté sur l’occasion de recruter celui que tout le monde annonce comme le messie. Une occasion en or pour le Monégasque, dont le rêve ultime consiste à lever le trophée avec une combinaison rouge. Sa carrière chez les Rouges ne sera pas un long fleuve tranquille : on ne pilote pas pour Ferrari ; on y gagne. La pression qui règne dans les stands du Cheval Cabré n’a pas d’égal en F1. La deuxième place n’est pas un résultat envisageable et tout un chacun sera présent pour le lui rappeler : Mattia Binotto, les tifosis et la presse transalpine, intraitable.

Un mental d’acier

Rien ne semble pourtant pouvoir se mettre sur son chemin. La source de sa très grande maturité réside peut-être dans son mental à tout épreuve. « Mon mental n’était pas une marque de fabrique. Lorsque j’étais petit, c’était même l’une de mes faiblesses. J’étais très émotionnel et cela me jouait parfois des mauvais tours » détaillait-il récemment. « Mais dès l’âge de 10 ans, je suis allé chez Formula Medicine, qui font de la préparation mentale. J’ai énormément bossé. Je pense que maintenant, c’est ma force. Dans le sport de haut niveau, cela se passe avant tout dans la tête. C’est ce que j’ai réalisé en me rendant la première fois chez Formula Medicine. J’ai vu les résultats tout de suite ». Charles Leclerc, c’est un peu l’opposé de Max Verstappen. Face au tempérament fougueux et arrogant du pilote néerlandais, Leclerc est incroyablement humble, intelligent et réfléchi. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le Monégasque semble déjà posséder la maturité nécessaire pour être un candidat sérieux au titre mondial. La compétitivité de la SF72H devra bien entendu être à la hauteur pour permettre au jeune homme de jouer la gagner les dimanches. Mais on ne voit pas bien ce qui pourrait freiner son étonnante pointe de vitesse. À moins que Sebastian Vettel se réveille et renoue avec ses plus belles heures ?

Mon ressenti sur Charles Leclerc

Lorsque j’ai aperçu les premières images de Charles Leclerc avec la combinaison Ferrari, j’ai ressenti une drôle de sensation. La certitude qu’il marquerait le sport de son empreinte et qu’il inscrirait son nom au firmament de la discipline reine. Avec une dimension mystique digne de Senna, un gout aiguë pour le travail comme Schumacher et un talent inné qui rappelle Hamilton, que peut-il bien lui arriver ? Une intuition. Un ressenti. Étrangement, tout semble déjà écrit. Un ressenti entièrement subjectif, qui ne repose sur aucun fait tangible. Mais il y a des signes qui ne trompent pas. Et si c’était lui, le prochain prodige de la F1 ?

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