Les courses qualificatives abandonnées… jusqu’en 2021 ?
Ce mercredi, les instances dirigeantes de la F1, les écuries, ainsi que la FIA se sont retrouvées à Paris pour la dernière réunion sur les changements qui entreront en vigueur dans deux ans. En effet, la publication du règlement 2021 est prévue le 31 octobre. Il est donc temps pour tout le monde de voter et d’acter définitivement les modifications. Mais parmi les propositions discutées à Paris figuraient aussi un sujet très médiatisé depuis maintenant plusieurs semaines : les courses qualificatives.
Toute modification sportive concernant la saison 2020 nécessite désormais l’unanimité des équipes pour être validée. Ce qui ne fut pas le cas en ce qui concerne les trois courses qualificatives que Liberty Media souhaitait mettre en place la saison prochaine. Trois écuries ont refusé la proposition. Toutefois, l’idée reste dans la tête des dirigeants. Ils n’auraient besoin que de la majorité (et non de l’unanimité) pour l’instaurer en 2021.
Brève histoire des qualifications en F1
Les qualifications font partie intégrante de la F1, et sont indispensables dans le spectacle et l’engouement autour de cette discipline. Leur schéma a déjà été modifié à de nombreuses reprises. Le tableau suivant résume les différents formats à travers le temps.
1950 – 1996 | L’ensemble des pilotes dispose de 2 sessions de qualifications |
1996-2002 | Les pilotes ont une heure pour effectuer jusqu’à douze tours chronométrés |
2003 | Chaque pilote n’a qu’un tour chronométré le vendredi, puis un second le samedi |
2004 | Même principe qu’en 2003, mais avec cette fois-ci les deux tours effectués le samedi. |
2005 | Ce n’est plus le plus rapide des deux tours qui prévaut, mais la somme des deux tours qui détermine le classement. |
2006 – … | Depuis 2006 les qualifications se déroulent en trois séances avec éliminations des pilotes les plus lents lors des deux premières. Les règles n’ont pas vraiment changé depuis, hormis lors de quelques saisons où il y eut débat sur la quantité d’essence à emporter pendant les séances. Les qualifications se disputent maintenant au niveau d’essence le plus faible possible afin de rendre les monoplaces les plus rapides possibles. |
Quoi qu’il en soit, il a toujours été question de récompenser le pilote le plus rapide sur un tour en lui accordant la si convoitée « pole position ». Les qualifications font partie de l’histoire de la F1. Elles sont source de souvenirs, d’émotions, et de passion pour tous les fans.
C’est donc lors des qualifications que les voitures sont les plus rapides du week-end, car les pilotes sont poussés, par le format, à s’approcher au plus près des limites. Certes, cela peut mener à des sorties de pistes spectaculaires, mais aussi à des tours mémorables et parfaits.

Quelques exemples frappants
- On retiendra par exemple Nigel Mansell qui, en 1992, réalisa un tour de Silverstone en assommant ses adversaires et en reléguant son coéquipier Patrese, bien que deuxième de la séance, à quasiment 2 secondes, et Ayrton Senna, troisième à 2,7 secondes.
- Il y eut aussi Schumacher en 2003. Sur le tracé autrichien, il arracha la pôle à Räikkönen pour 5 centièmes au terme d’un tour que beaucoup considéraient comme raté à la suite d’une sortie trop large au premier virage lui coûtant plusieurs dixièmes.
- Enfin, comment parler de qualifications sans évoquer le pilote probablement le plus doué en la matière : Lewis Hamilton. Recordman de l’exercice avec ses 87 poles positions en 246 grands prix, le Britannique prouve qu’il est capable d’une concentration et d’un talent remarquable, lui permettant d’offrir des tours spectaculaires aux yeux de tout amateur de F1.
Que veut-on mettre en place ?
L’idée proposée au siège de la FIA, et soutenue par Ross Brawn, directeur sportif et technique de la F1, est celle des « courses qualificatives ». Le principe est simple mais révolutionnaire. Les grands prix retenus pour tester ce format seraient la France, la Belgique et la Russie, car n’intervenant pas trop tôt dans le championnat. La traditionnelle session de qualification serait ainsi remplacée de la manière suivante :
- Une course de 45 minutes dont la grille de départ serait déterminée selon le classement inverse du championnat du monde
- Les pilotes choisiraient librement le composé pneumatique avec lequel ils souhaitent s’élancer
- Aucune obligation de passer aux stands durant ces trois quarts d’heure
- Aucun point ne serait attribué pendant cette course qualificative, même si l’idée n’est pas exclue pour l’avenir.
L’objectif recherché ici est de resserrer les classements. En espérant ne pas toujours retrouver les premiers du championnat aux premières positions sur la grille du dimanche. Un second objectif est évidemment d’apporter plus de spectacle, avec une course où les tentatives de dépassements seraient évidemment nombreuses, les leaders du championnat voulant se placer au mieux pour la course. Ross Brawn appelle d’ailleurs cette idée « course sprint », comme en F2, et non qualificative. Ce qui évoque bien l’idée d’une session très intense.

Que penser de cette idée ?
Tout d’abord, les pilotes sont, à l’unanimité de ceux qui se sont exprimés sur le sujet, fortement opposés à ce nouveau format. Vettel a déclaré en conférence de presse à Singapour, et avec le soutien d’Hamilton, que « c’était une véritable connerie », argumentant que la solution serait plutôt de « resserrer les écarts, d’avoir plus de compétition ».
Effectivement, quel est l’intérêt de ce format lorsque l’on connait l’écart plus que conséquent entre les trois top teams et le reste du plateau ? Au terme de 45 minutes de course, les leaders du championnat se retrouveraient facilement aux premiers rangs. Pour Vettel, ce nouveau format s’apparente seulement à un « pansement » dans l’attente des nouvelles réglementations 2021 censées rééquilibrer le championnat.
Ensuite, instaurer une course qualificative, c’est dire adieu à un exercice historique, dont personne ne se plaint. En témoignent les exemples précités, les qualifications sont remplies de suspens. Elles montrent aux yeux du public la quintessence des formules 1, acquis par un travail de développement poussé à l’extrême au sein des écuries. Et puis les courses sprint, c’est aussi faire une croix sur des compétences de pilotage supplémentaires, qui méritent d’être récompensées.
Des courses qualifs… sous certaines conditions
La diversité des circuits ne semble pas non plus convenir au format de la course qualificative. On peut imaginer qu’il soit aisé de remonter le peloton sur un tracé tel que celui de Monza. Mais la tâche serait beaucoup plus complexe sur le circuit urbain de Monaco.
Tout n’est pas à rejeter cependant. Le format actuel des qualifications n’est pas exempt de tout reproche, comme l’a montré le weekend italien. Si les courses qualificatives étaient proposées dans un contexte où les écarts entre les voitures seraient plus faibles, elles pourraient devenir intéressantes. En effet, cela permettrait de récompenser un pilote qui excelle tant en défense qu’en attaque dans les situations de dépassement. Cela serait un autre spectacle qu’une Mercedes passant une Williams avec un différentiel de 40 km/h.
A l’heure actuelle, le travail des aérodynamiciens est tel qu’une voiture ne peut suivre sa précédente tellement le flux d’air est perturbé. Mais en 2021, les voitures devraient être capables de se suivre plus facilement, et rendre l’idée des courses qualificatives intéressantes. En attribuant lors de cette course sprint quelques points pour le championnat, comme c’est le cas en F2, elle pourrait devenir un ajout très intéressant de par sa physionomie différente de celle d’une course complète.
G.M.
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