Pourquoi l’altitude affecte-t-elle les moteurs et l’aérodynamique en F1 ?
Le Grand Prix du Mexique a lieu ce week-end. L’occasion d’analyser l’impact de l’altitude sur les monoplaces de F1. Le tracé de l’Autódromo Hermanos Rodríguez culmine en effet à 2 285m d’altitude, ce qui en fait le circuit le plus élevé de la saison. Une particularité qui affecte les performances des monoplaces.
En 2014 sont apparus en F1 les moteurs V6 turbocompressés, entraînant la disparition des moteurs atmosphériques et leur bruit mythique. Si vous n’êtes pas familier avec ces concepts, rappelons brièvement les bases de ces deux architectures.
Les moteurs thermiques ont besoin d’air pour réaliser la combustion du carburant. En F1, ils sont même particulièrement gourmands en la matière. Si on simplifie à l’extrême, il existe deux types de moteurs : les atmosphériques et les compressés.
Un moteur atmosphérique laisse entrer l’air directement de l’extérieur, à pression atmosphérique comme son nom l’indique. Un moteur compressé, en revanche, fait rentrer l’air sous une pression élevée, de façon à faciliter la combustion et à la rendre plus puissante car plus riche en comburants et combustibles. On parle alors de suralimentation du moteur. Cela permet de faire brûler une plus grande quantité d’essence, et par conséquent d’augmenter – artificiellement diront certains – la puissance du moteur.
Compresseur Vs. Turbocompresseur
Si on rentre dans les détails, il existe deux façons de compresser un moteur. Soit avec un compresseur, soit avec un turbocompresseur. Le compresseur est entraîné par le moteur lui-même via une courroie, et comprime l’air qui rentre par des rotors. Le turbocompresseur, en revanche, fait rentrer l’air via une turbine elle-même mise en rotation par les gaz d’échappement. L’air ainsi aspiré arrive en plus grande quantité que par un simple conduit, et se trouve donc à une pression nettement supérieure.
Le compresseur génère une pression constante, mais plus faible qu’un turbo qui lui s’enclenche à haut régime, lorsque la quantité de gaz d’échappement est suffisante.
De par son meilleur rendement, et son dynamisme par à-coups, le turbocompresseur sera préféré en automobile sportive, et donc en F1. Le compresseur, lui, trouvera son utilité dans des voitures de série confortables à destination des familles.

Comment l’altitude impacte-t-elle les moteurs en F1 ?
L’altitude du circuit mexicain engendre une raréfaction de l’oxygène, rendant l’air apporté dans les moteurs moins riche et moins pressurisé puisque la pression atmosphérique diminue quand on s’élève. La quantité d’oxygène à mélanger avec le carburant étant plus faible, il n’est pas rare d’entendre les pilotes se plaindre d’un manque de puissance patent.
C’est normal : les moteurs auraient besoin d’une quantité d’air bien supérieure à celle habituelle pour pouvoir fonctionner avec la même puissance que sur les autres circuits. Au niveau du spectacle, l’altitude a le mérite de niveler en partie les écarts de performance. C’est notamment pour cela que Red Bull parvenait à faire jeu égal avec Mercedes et Ferrari lors des deux dernières éditions à Mexico.
Si les monoplaces étaient encore équipées de moteurs atmosphériques, elles souffriraient encore plus car elles n’auraient aucun moyen de compenser ce manque d’oxygène. La perte de puissance étant estimée à environ 1% de performance perdu tous les 100m d’altitude, le calcul est vite fait.
Les turbocompresseurs représentent en revanche une solution potentielle au manque d’oxygène. En mettant la turbine en rotation à des régimes faramineux, le moteur pourrait théoriquement compenser la haute altitude et recevoir autant d’air qu’à faible altitude. Mais pour des raisons de fiabilité, cela n’est évidemment pas possible. Les motoristes ne peuvent pas se permettre de pousser le moteur dans ses derniers retranchements. Aux écuries alors de trouver le compromis entre performances et fiabilité.

L’aérodynamique, autre victime de l’altitude
La faible densité de l’air n’a pas pour unique conséquence de mettre les moteurs à la diète. Elle réduit également l’importance de l’ensemble des phénomènes aérodynamiques. L’air moins dense n’offre ainsi pas aux ailerons et autres éléments aéros la résistance habituelle nécessaire à leurs effets. C’est pour cette raison que les voitures semblent si nerveuses.
Concrètement, les voitures rouleront avec un appui réduit. Ce qui devrait se ressentir particulièrement dans les virages en S du deuxième secteur et dans le mythique Stadium. Une voiture très fortement chargée en appui aéro (historiquement, la Red Bull ; aujourd’hui, la Mercedes) tirera alors un avantage plus conséquent que d’habitude dans les parties sinueuses du tracé.
La traînée sera aussi réduite étant donné la diminution de la résistance à l’air. Pour rappel, la traînée est la force contraire au mouvement de la voiture, résultante de son opposition à l’air. Sa réduction est d’habitude créée uniquement par le DRS (Drag Réduction System). Mais l’altitude devrait permettre aux concurrents d’atteindre des vitesses de pointe élevées … malgré un moteur plus étouffé. Paradoxal ? Non : la perte de puissance moteur est simplement compensée – du moins en partie – par une traînée plus faible.
En résumé, la fiabilité sera l’un des maîtres-mots sur ce circuit d’altitude. Les capacités des moteurs seront réduites et les voitures disposant d’une aérodynamique performante seront récompensées. Un tel Grand Prix a donc un intérêt particulier puisqu’il ne met pas à l’épreuve les monoplaces sur leurs compétences maximales, mais sur leur fiabilité et leur équilibre précaire.
G.M.
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