[MàJ] Entente FIA Ferrari : les écuries de F1 en grogne
Le 28 février 2020, la FIA annonce un accord confidentiel entre elle et l’écurie Ferrari à propos de l’unité motrice italienne. Le 4 mars 2020, sept écuries s’érigent contre la décision « secrète » de la FIA, pour le bien d’un sport plus juste et plus transparent.
La FIA passe un accord avec Ferrari
Le 28 février 2020, la FIA a donc publié sur son site le texte suivant :
La FIA annonce qu’après des enquêtes techniques approfondies, elle a conclu son analyse du fonctionnement de l’unité motrice de la Scuderia Ferrari de Formule 1 et est parvenue à un accord avec l’équipe. Les détails de l’accord resteront confidentiels.
La FIA et la Scuderia Ferrari ont pris un certain nombre d’engagements techniques qui amélioreront la surveillance de tous les moteurs de Formule 1 pour les prochaines saisons de championnat et aideront la FIA dans ses autres tâches réglementaires en Formule 1, ainsi que dans ses activités de recherche sur les émissions de carbone et les carburants durables.
Le texte est obscur. Il laisse transparaître que l’unité de puissance Ferrari a été illégale en 2019 mais qu’un accord a été trouvé, pour le bien des deux parties (championnat, image de la F1, image de la Scuderia, classement et autres hypothèses).
Outre ça, la pommade est passée sur fond d’écologie. Ceci accentue le côté « il y a quelque chose de grave, mais on va faire amende honorable ».
Il va sans dire que devant un texte aussi bref et occulte que celui-ci, ce qui est avancé n’est qu’un ensemble de supputations. Chacun est libre de l’interpréter comme il le souhaite.
La FIA décriée, la Scuderia accusée

Sept écuries ont décidé de monter au créneau. Pourquoi sept sur dix écuries ? Rappelons que Haas et Alfa Romeo sont motorisées par Ferrari. La liste des accusateurs est la suivante :
- McLaren Racing Limited
- Mercedes-Benz Grand Prix Limited
- Racing Point UK Limited
- Red Bull Racing Limited
- Renault Sport Racing Limited
- Scuderia AlphaTauri S.p.A.
- Williams Grand Prix Engineering Limited
Ils déplorent qu’après des mois d’enquête de la FIA, investigation d’ailleurs induite par des demandes de certaines de ces écuries, l’organisme gouvernant la F1 clôture le dossier avec une entente confidentielle. Elles veulent que les choses soient dites de manière complète et transparente pour le bien de la F1. Il est légitime que les équipes veuillent que tous les concurrents soient traités « de manière juste et équitale ».
Les écuries concernées se réservent même le droit de demander réparation devant la justice.
Accord sur fond de suspicions récurrentes
Les bruits couraient depuis un moment comme quoi l’écurie Ferrari était parvenue à outrepasser la limite de flux d’essence. Il a été avancé par Red Bull que les mesures de flot du carburant n’étaient faites qu’à certains moments. Ainsi, il serait possible qu’un système permette d’augmenter le flux entre les mesures. A cela, la FIA avait répondu qu’un tel scénario outrepassait les règles 5.10.3 et 5.10.5 du règlement. Ces points sont d’ailleurs toujours d’actualité pour 2020, cf. page 42. A ceci, l’écurie autrichienne avait répondu que la FIA devait éclaircir la situation de soudaine supériorité moteur de la Scuderia.
Courant octobre de cette même saison 2019, il y a aussi eu les demandes d’éclaircissement de la part de Mercedes concernant le concept de fuite contrôlée d’huile dans le refroidisseur intermédiaire. Théoriquement, le fluide pouvait entrer dans le processus de combustion pour permettre de produire plus de puissance pendant un court instant. Chose illégale puisqu’il est indiqué dans la réglementation que les systèmes de refroidissement ne doivent pas « utiliser intentionnellement la chaleur latente de vaporisation d’un fluide, à l’exception du carburant utilisé à des fins de combustion normale dans le moteur ». Ceci est toujours inscrit dans l’article 7 de la réglementation 2020 (page 50, Article 7, alinéa 5).
Au-delà de cette année 2019 pleine de soupçons, Ferrari avait déjà été au milieu d’une affaire concernant son ERS en 2018. La FIA avait surveillé tout ceci (mise en place de capteurs) mais aucun éclaircissement n’était ressorti à ce sujet.
Mais alors, la FIA a innocenté Ferrari ?
La FIA a contrôlé le système d’essence de Ferrari, sans résultat. Il a même été question que la FIA ait contrôlé des PU Ferrari « clients ».
Le plus étrange, c’est qu’à l’éveil des soupçons, les vitesses des voitures rouges en ligne droite relevées par les écuries concurrentes se sont réduites. Avec une baisse de performance faisant suite à l’agitation dans le paddock, le mystère s’épaississait d’autant plus.
Par ailleurs, en 2020, un deuxième capteur de surveillance du flux de carburant a été installé… Est-ce que la FIA a été obligée de le faire à cause des soupçons sur les moteurs italiens ? Le raccourci est facile à faire.
Ferrari, des tricheurs ?
« Ferrari triche ! » pourrait être la première chose qui vient en tête. Cependant, l’esprit de ce sport, qui est au sommet du domaine automobile, est d’aller chercher la performance au-delà de tout. Quand on dit « au-delà de tout », on pense aux moyens techniques, humains, physiques, financiers mais aussi réglementaires !
Un règlement est en place pour éviter les dérives et donner un cadre. Ceci évite de tomber dans une certaine débauche de moyens, de designs et autres. Mais, c’est le perpétuel jeu du chat et de la souris entre la FIA et les participants au championnat du monde de F1 : « Comment interpréter une règle à notre avantage sans tomber dans l’illégalité ? » Voilà ce qu’il doit se dire en préparant une monoplace.
C’est ainsi que la F1 est arrivée avec bon nombre d’avancées ou d’améliorations, souvent interdites d’ailleurs. Une des plus célèbres est celle des suspensions actives des Williams au début des années 90.
Jusqu’à aujourd’hui, c’était le DAS de Mercedes qui était au centre des discussions. Ce système a sacrément retourné le petit monde de la F1 pendant les essais hivernaux 2020. Notons que ce système, au milieu d’une tourmente à propos de sa légalité, est pourtant légal d’après les déclarations de Mercedes qui s’est rapprochée de la FIA avant de l’incorporer à sa W11.
Ainsi, Ferrari a tenté quelque chose en période hybride outrancièrement dominée par Mercedes. Peut-on les blâmer ? Sont-ils allés au-delà de la réglementation ?
[MàJ] La réponse de la FIA à l’action commune des écuries
Le lendemain de l’action commune entreprise par les sept écuries de F1, la FIA a répondu en apportant quelques précisions :
La FIA a effectué une analyse technique détaillée de l’unité de puissance de la Scuderia Ferrari, comme elle a le droit de le faire pour tout concurrent du Championnat du monde de Formule 1 de la FIA.
Les enquêtes détaillées et approfondies entreprises au cours de la saison 2019 ont soulevé des soupçons selon lesquels le PU de la Scuderia Ferrari pourrait être considéré comme ne fonctionnant pas en tout temps dans les limites des règlements de la FIA. La Scuderia Ferrari s’est fermement opposée aux soupçons et a réitéré que son unité centrale fonctionnait toujours conformément aux règlements. La FIA n’était pas entièrement satisfaite mais a décidé que de nouvelles mesures n’aboutiraient pas nécessairement à une affaire concluante en raison de la complexité de l’affaire et de l’impossibilité matérielle de fournir la preuve non équivoque d’une infraction.
Afin d’éviter les conséquences négatives qu’un long litige entraînerait, notamment au regard de l’incertitude quant à l’issue de ces litiges, et dans le meilleur intérêt du Championnat et de ses parties prenantes, la FIA, conformément à l’article 4 (ii) de son règlement judiciaire et disciplinaire (JDR), a décidé de conclure un accord efficace et dissuasif avec Ferrari pour mettre fin à la procédure.
Ce type d’accord est un outil juridique reconnu comme une composante essentielle de tout système disciplinaire et est utilisé par de nombreuses autorités publiques et autres fédérations sportives dans le traitement des litiges.
La confidentialité des termes de l’accord de règlement est prévue par l’article 4 (vi) du JDR.
La FIA prendra toutes les mesures nécessaires pour protéger le sport ainsi que son rôle et sa réputation en tant que régulateur du Championnat du monde de Formule 1 de la FIA.
Voilà !

La suite au prochain épisode.