GP de Bahreïn 2021 : mirage dans le désert ou signes annonciateurs ?
Lewis Hamilton s’est imposé brillamment dimanche soir au terme d’une épreuve haletante dans la nuit bahreïnie. Ce diable de Max Verstappen échoue sur la deuxième marche du podium mais le rythme affiché par la RB16B laisse entrevoir des lendemains qui chantent. Mirage dans le désert ou signes annonciateurs d’une lutte serrée pour le titre ?
Ce dimanche soir, le septuple champion du monde a encore prouvé aux yeux du monde de quel bois il se chauffe. Jamais un fauve n’est plus dangereux que quand il est blessé. Au sommet de son art, The Hammer s’est accroché et a fait preuve d’un rythme hallucinant pour décrocher sa 96e victoire au nez et à la barbe de Red Bull. Car si la performance de Verstappen mérite des éloges, celle d’Hamilton est tout aussi impressionnante avec un dernier relais de 28 tours en pneus durs (seul Vettel, avec 31 tours, a fait mieux). Avec des pneus arrières usés jusqu’à la corde, l’Anglais a résisté aux assauts de Mad Max.

De son côté, le jeune prodige batave a confirmé les nets progrès réalisés par l’équipe autrichienne. Intrinsèquement plus rapide que son adversaire anglais, malgré un problème de différentiel, Verstappen peut néanmoins nourrir des regrets. Je pense, personnellement, que les ingénieurs de Red Bull ont fait une erreur en ne couvrant pas la stratégie de Hamilton. Conséquence : le Hollandais dû combler l’écart par deux fois. Avec brio, il est vrai. Sans ce couac stratégique, la victoire était à portée de bras.
Toujours est-il que Verstappen est parvenu à revenir assez rapidement sur Hamilton (avec des pneus plus anciens, certes). De bonne augure pour la suite des hostilités. Bahreïn n’est pas un circuit typé Red Bull et il y a un an, l’équipe n’aurait sans doute réussi pareille prestation. Espérons que cette lutte puisse se pérenniser durant les prochaines courses.

Tirons aussi notre chapeau à Pérez. En dépit de trois arrêts (2 tours en médiums, 17 tours en médiums, 19 tours en durs et enfin 18 tours en médiums), son attaque à outrance et sa gestion merveilleuse des gommes lui vaut de croiser la ligne d’arrivée à la 5e place. Red Bull possède peut-être enfin une deuxième voiture pour titiller Mercedes.
From a pit lane start to a P5 finish
— Formula 1 (@F1) March 28, 2021
It was an eventful Red Bull debut for @SChecoPerez
And you voted him Driver of the Day in Bahrain! 🏆#BahrainGP 🇧🇭 #F1 pic.twitter.com/cu1PVZ7Jhq
Un midfield passionnant … mais toujours aussi loin
Dans le milieu de tableau, où quelques dixièmes peuvent bouleverser significativement la hiérarchie, la bataille fait toujours rage mais les écarts avec les deux top teams restent conséquents. Hormis le cas Bottas, complètement absent ce week-end (pas verni par un arrêt au stand interminable), les pilotes terminent avec au minimum 45 secondes de retard sur le vainqueur. C’est beaucoup. C’est trop.
AlphaTauri, et son V6 Honda revigoré, pourraient être la toute belle surprise 2021. Je reste toutefois prudent concernant les troupes de Faenza. Les signes sont encourageants, mais l’incident de Gasly et les qualifs loupées de Tsunoda brouillent les cartes. Attendons Imola, où les qualités du châssis seront davantage mises en avant, et Portimao, pour tirer des enseignements plus concrets.

Parlant d’AlphaTauri, saluons la performance du jeune Yuki Tsunoda. Il est le 65e pilote à marquer des points dès ses débuts en catégorie reine et le premier pilote japonais à inscrire des unités depuis le Grand Prix du Brésil 2012 avec Kamui Kobayashi. Parti 13e, le Japonais a perdu deux places au départ, une phase cruciale. Il a ensuite opérer une belle remontée, dépassant Lance Stroll avec autorité dans le dernier tour pour cueillir deux précieux points. Le jeune homme ne s’est pas emmêlé les pinceaux pour sa première course et son rythme était excellent malgré une stratégie pneumatique conservatrice (M-H-H). Deux unités amplement méritées qui en appellent d’autres.
Le titulaire de chez Alpha Tauri reste cependant les pieds sur terre, conscient que la marge de progression est encore énorme. « Le rythme était bon », dit-il, « mais durant les trois derniers tours, j’étais derrière Stroll et j’ai eu l’air sale. J’ai vraiment eu du mal à m’adapter à cet air sale et j’ai [commis] pas mal d’erreurs « . En plus d’être rapide, Tsunoda a la tête sur les épaules. Le genre de rookie dont on raffole.
Alpine déçoit, McLaren assure
Moins en verve que lors des essais hivernaux ou des essais libres vendredi, McLaren assure l’essentiel grâce à un excellent Lando Norris, discret mais efficace (un relais de 21 tours en médiums et un relais de 24 tours en durs). Une fois n’est pas coutume, Daniel Ricciardo n’a pas été au rendez-vous. Le fait d’être percuté par Gasly n’a pas aidé, mais l’Australien n’a jamais eu la sensation de tirer la quintessence de la MCL35B. Les Oranges encaissent toutefois 18 points d’un coup dans la besace.
![GP2101_151903_ONZ4402 Norris et Ricciardo, McLaren - Bahreïn 2021 [Source : McLaren F1 Team]](https://i0.wp.com/blog.aurupteur.com/wp-content/uploads/2021/03/GP2101_151903_ONZ4402.jpg?w=461&h=307&ssl=1)


Dans le clan tricolore, soupe à la grimaces. La cadence de l’A521 est décevante et les ingénieurs d’Enstone ont du plain sur la planche. Tout comme ceux d’Aston Martin, dont la monoplace est bien moins véloce que sa devancière. Certains évoquent des problèmes structurels liés au concept de « low rake ». Si c’est le cas, difficile, voire impossible, de changer de philosophie en cours de saison. D’autant plus que la révolution de 2022 pointe le bout de son nez.
Le grain de sel dans la nuit de Bahreïn
Enfin, dommage que l’épreuve ait été plombée par un énième imbroglio sportif dont seule la F1 a le secret. Dès les essais libres, les commissaires sportifs avaient précisé que les limites de la piste au virage n°4 seraient soigneusement observées pendant les essais et les qualifications, les pilotes franchissant la ligne blanche avec les 4 roues voyant leur chrono supprimé.
Durant la course, par contre, les limites n’étaient pas monitorées mais l’article 27.3 restait d’application. Celui-ci précise que les pilotes ne peuvent pas gagner un avantage en sortant de la piste et que les dépassements y sont évidemment interdits. L’attaque portée par Max Verstappen n’était donc pas réglementaire. Ce que le principal intéressé et son équipe ont reconnu de manière fair-play.


Et Hamilton dans cette histoire ? Le septule champion du monde a simplement roulé en tenant compte de la directive d’avant-course, qui n’interdisait pas d’être généreux au virage 4… avant que la FIA ne se réveille au beau milieu de la course pour lui infliger un avertissement. Certains considéreront qu’Hamilton a gagné un avantage certain en élargissant 29 fois sa trajectoire. Mais ses adversaires pouvaient adopter la même approche, quoi qu’en disent les esprits chagrins prêts à tout pour dévaloriser les prestations du champion anglais.
La FIA s’est embourbée dans une règle sans queue ni tête, apportant plus de questions que de réponses. Pire, elle a changé son fusil d’épaule en cours d’épreuve. Le manque de constance dans les décisions prises par la FIA, qui aime décidemment se tirer une balle dans le pied, a de quoi faire rager. Dans le cas présent, peut-être faudrait-t-il tout simplement faire respecter les lignes blanches … Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Toujours est-il que la saison est bel et bien lancée. Tous les ingrédients sont réunis pour vivre une saison palpitante. Mais vous le savez mieux que quiconque : la physionomie de ce premier GP ne sera pas non plus nécessairement celle de toute l’année. Hamilton : 1 – Verstappen : 0. Rendez-vous à Imola.
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