Une histoire belge : quand Ferrari se pare de jaune pour le Grand Prix de Belgique 1961

La saison 1961 restera à jamais gravée dans les annales de la Scuderia Ferrari, pour son premier titre Constructeurs, bien sûr, mais aussi pour une petite anecdote liée au Grand Prix de Belgique.

Dimanche 18 juin 1961, la Scuderia Ferrari débarque dans les Ardennes belges, la tête haute. Les monoplaces de Maranello ont loupé le coche lors de la manche inaugurale à Monaco mais ne laissent que des miettes aux adversaires sur la piste de Zandvoort en signant un doublé autoritaire. Aussi, sont-elles largement favorites sur le légendaire et dangereux circuit de Spa-Francorchamps où la puissance prévaut.

La confiance du clan italien est grande. Maranello peut compter sur une nouvelle arme de destruction massive : la 156 F1 ‘’Sharknose’’. Elle se caractérise par une carrosserie assez longue et très profilée, la première étudiée en soufflerie par le constructeur. Elle bénéficie aussi de la dernière version du moteur 178 (V6 à 120°, 1476 cm3, deux carburateurs Weber triple corps de 40 mm, double allumage) développant 190 chevaux à 9500 tr/min. Une voiture conçue et développée par l’ingénieur Carlo Chiti, recruté quatre ans plus tôt par Enzo Ferrari.

Von Trips à Zandvoort en 1961

Une 156 F1 jaune

Cerise sur le gâteau : les planètes sont aussi alignées en Endurance. Une semaine avant l’épreuve belge, la Scuderia Ferrari remporte la 29e édition des 24h du Mans. Là aussi, Ferrari signe un doublé. Grâce à la Ferrari 250 TRI/61, le duo composé de Phil Hill et du belge Olivier Gendebien gagne une deuxième fois la plus grande course d’endurance du monde (une troisième victoire suivra en 1962). Une performance remarquée par Jacques Swaters, l’importateur de Ferrari en Belgique et propriétaire de l’Equipe Nationale Belge, une ancienne écurie de Formule 1 et de voitures de sport collaborant essentiellement avec la prestigieuse marque italienne.

Devant l’exploit de Gendebien au Mans, Swaters, qui entretient naturellement des liens étroits avec Ferrari, contacte l’état-major de Maranello. Son idée : demander à la Scuderia de prêter une de ses monoplaces à Gendebien pour son épreuve nationale. Une sorte de remerciement pour avoir été l’un des artisans de la victoire une semaine plus tôt dans la Sarthe. Les Italiens acceptent la requête et reprennent à leur compte l’engagement de l’Équipe nationale belge pour Olivier Gendebien, prêtant au Bruxellois la 156 utilisée par von Trips à Monaco. La monoplace est dotée de la précédente version du moteur 178 et s’avère peu plus lourde (470 kg), mais ses considérations techniques sont secondaires. Gendebien va pouvoir ferrailler avec Phil Hill, Wolfgang von Trips et Richie Ginther.

Gendebien, un gentleman driver

Evidemment, Olivier Gendebien n’est pas un inconnu chez Ferrari. Entre le milieu des années 50 et le début des années 60, la Scuderia le recrute à 8 reprises pour épauler ses pilotes officiels. Une confiance construite grâce à son palmarès : 2e aux 1 000 km du Nürburgring (actuels 6 Heures du Nürburgring), victoire à la Targa Florio, victoire au Rallye Liège-Rome-Liège, victoire au Tour de Sicile, 3e à la mythique Mille Miglia, victoire au 12 Heures de Reims ou encore victoire aux 12 Heures de Sebring (avec Hill, Gurney et Chuck Daigh).

Son exploit le plus remarquable est évidemment sa série de quatre victoires sans défaite aux 24 Heures du Mans en 1958, 1960, 1961 et 1962. Le succès de Gendebien en voiture de tourisme a d’ailleurs éclipsé un impressionnant record dans la catégorie reine. En 14 épreuves, le pilote belge marqua des points dans la moitié des courses auxquelles il a participé et se classa sixième du championnat du Monde 1960 grâce à sa Cooper-Climax. Excusez du peu.

Olivier Gendebien et Giotto Bizzarrini (droite) au début des années ’60

Une honorable quatrième place

Retour à Spa-Francorchamps le 18 juin 1961. Sur la grille départ, le pilote belge, parachutiste pendant la Seconde Guerre Mondiale, se présente fièrement à bord de sa rutilante 156… jaune flamboyante ! Une couleur qui détonne, Ferrari ayant (déjà) l’habitude d’aligner des monoplaces rouges écarlates. Alors pourquoi jaune ? En reprenant l’engagement de l’Equipe nationale belge, Ferrari a tout simplement repris la couleur de compétition correspondant au code international belge en vigueur à l’époque, à savoir le jaune.

Gendebien ne déméritera pas lors de son épreuve nationale. En tête de la course pendant quelques hectomètres, il ne peut longtemps résister à ses coéquipiers Phil Hill et Trips, dont les monoplaces sont un peu plus puissantes et disposent d’une meilleure tenue de route. Se souvenant des conseils Trips avant le départ, lui recommandant de ne pas prendre des risques inconsidérés avec une voiture indéniablement moins véloce , il décide alors de lever sagement le pied. Gendebien se classe finalement quatrième derrière ses co-équipiers, à l’occasion d’une épreuve à nouveau dominée par la Scuderia.

Le Commandatore décrira le pilote belge avec ces mots :

« Un gentleman driver. Et, lorsqu’il est au volant, il traduit cette personnalisé en une force. Il conduit sans maltraiter la voiture, en prenant soin d’elle et on peut toujours compter sur lui pour conduire avec la précision d’une horlogerie. Il faut cependant le laisser parler quand il gagne, et cela arrive assez fréquemment. »

Curieux hasard du destin, la Scuderia Ferrari avait déjà engagé une monoplace jaune, lors du Grand Prix de Spa 1958. La Dino 246 avait été peinte dans un magnifique jaune canari et confiée à … Olivier Gendebin. Une histoire belge, vous avez dit ?

Olivier Gendebien à bord de la Ferrari Dino 246, lors du Grand Prix de Belgique 1958.

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