Grand Prix de Belgique 2021 : l’art de nager entre deux eaux
Max Verstappen a remporté hier le non-Grand Prix de Belgique 2021 de Formule 1, disputé sur seulement deux tours en raison de conditions climatiques dantesques au circuit de Spa-Francorchamps. La gestion de crise a été particulièrement critiquée par les observateurs.
Le Grand Prix de Belgique 2021 a été le théâtre d’une bien mauvaise pièce. Les conditions climatiques n’ont jamais permis à la FIA de lancer la course, au grand dam des nombreux supporters qui avaient effectué le déplacement dans les Ardennes belges. La « victoire » finale est revenue à Max Verstappen, tandis que George Russell a décroché le premier podium de sa carrière … sans que le moindre mètre de course n’ait été réellement disputé (seulement 3 minutes et 27 secondes derrière la Safety Car).
Francorchamps, la pluie, le duel à couteaux tirés entre Mercedes et Red Bull, le départ de George Russell en deuxième position : l’affiche était on ne peut plus alléchante. Tout cela aurait pu être superbe, majestueux, époustouflant. Les 75.000 spectateurs autorisés étaient chauffés à blanc. Mais les voix du ciel sont impénétrables. Lorsque les 20 meilleurs pilotes du monde ont sommé la direction de course de ne pas prendre le départ car les conditions étaient trop dangereuses, la messe était dite. Au moins, cette fois, ils ont été écoutés.
Est-ce que le presque-drame en W Series, l’accident en F3 et le crash de Norris en Q3 ont pesé dans la balance de Michael Masi ? Peut-être. Sans doute même. Et c’est tant mieux. Comme l’a très justement expliqué l’ensemble des pilotes de la grille, l’adhérence était correcte mais la visibilité inexistante. Les accidents auraient été inévitables si l’épreuve avait été lancée sous drapeau vert. Les propos de Daniel Ricciardo synthétisent parfaitement la situation. « La Formule 1 est un sport, pas une roulette russe. Nous aimons tous le risque, mais quand il s’agit de vie ou de mort, cela n’en vaut pas la chandelle. »

Des regards médusés et une pièce de théâtre grossière
En quittant Spa-Francorchamps, j’ai eu l’opportunité de discuter avec plusieurs supporters. D’aucuns acceptent, sans rechigner, la décision d’annuler la course. Une décision que je soutiens aussi pleinement. Les conditions dantesques ne permettaient pas d’assurer la sécurité des pilotes. La bruine, épaisse et persistante, ainsi que les projections d’eau, rendaient la visibilité quasi nulle. Même depuis les tribunes, les quidams se rendaient compte que la piste était impraticable. Ce dimanche, la F1 ne pouvait simplement pas lutter contre la force de la nature. N’en déplaise aux esprits chagrins qui espéraient une course sous les hallebardes car « à l’époque, on roulait coûte que coûte ».
Par contre, ce qui est regrettable, c’est tout le cinéma qui s’en est suivi : l’absence totale de communication, faire patienter les spectateurs en leur faisant miroiter la possibilité d’une course en début de soirée, les deux tours symboliques derrière la SC et le podium grotesque. Car soyons honnêtes : en désignant un vainqueur et en attribuant des points, la F1 s’est pris les pieds dans le tapis.
Sur les coups de 16h/16h30, il est très vite apparu que la course ne pourrait jamais repartir. Les averses s’intensifiaient et la piste se dégradait à vue d’œil. Les spectateurs ne s’en sont d’ailleurs pas laissés conter. Pendant que la direction de course continuait à se couvrir de honte en repoussant indéfiniment le départ de la course, les fans quittaient l’enceinte du circuit le regard médusé et le moral dans les chaussettes (humides). En colère aussi. Non pas d’avoir loupé la course, mais d’avoir été mené en bateau.
La F1 n’en ressort pas grandie
Je suis parfaitement conscient que tous les projecteurs du monde étaient braqués sur Spa-Francorchamps. Que les enjeux étaient colossaux. Que la tension devait être palpable. Que les décisions ne se prennent en un claquement de doigt. M’enfin, l’hypocrisie autour de la tenue de la course était lamentable. Les officiels savaient pertinemment qu’aucune accalmie n’était prévue avant la tombée de la nuit. Le Grand Cirque aurait tout simplement dû replier bagage, faire amende honorable auprès des fans et prendre la direction de Zandvoort. Mais la F1 ayant une capacité magistrale à se tirer une balle dans le pied, elle a préféré pousser la comédie jusqu’au bout. Reconnaissons-lui d’ailleurs cette capacité prodigieuse à nager entre deux eaux pendant 4h interminables.
Heureusement, les supporters ne sont pas dupes. En voulant entériner un résultat coûte que coûte, les instances dirigeantes ont confirmé aux yeux du monde qu’il s’agissait avant toute d’une manœuvre financière (malgré les démentis de Stefano Domenicali). D’ailleurs, au passage, les déclarations engagées d’Hamilton, de Vettel, d’Alonso et de Zak Brown en disent long sur la manière dont cette crise a été gérée. Espérons qu’ils soient écoutés et que les règles évoluent pour ne plus revivre un scénario similaire. En attribuant, par exemple, des points uniquement lorsque XX% de la course a été effectuée sous drapeau vert.
Pour paraphraser le quotidien espagnol AS, le GP de Belgique 2021 restera longtemps dans les mémoires comme l’une de ces courses qui a mis presque tout le monde d’accord. Mais pour le pire.
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