La Russie et les restrictions en sport auto dès mars 2022
Par ces temps obscurs de conflit russo-ukrainien, les pilotes à nationalité russe sont dans une situation particulière. Faisons le point sur les règles, les mesures qui étaient déjà actives et les annonces récentes de la FIA pour la Russie et ses ressortissants.
Nationalité et règlement
Faisons un point réglementaire préalable. Comme le rappelle le le code sportif international de la FIA :
ARTICLE 9.4 NATIONALITE D’UN CONCURRENT OU PILOTE
9.4.1 En ce qui concerne l’application du Code, tout Concurrent ou Pilote qui a obtenu ses Licences d’une ASN prend la nationalité de cette ASN pour la durée de validité de ces Licences.
9.4.2 Par contre, tout Pilote, quelle que soit la nationalité de sa Licence, participant à une quelconque Compétition d’un Championnat du Monde FIA, conservera la nationalité de son passeport dans tous les documents officiels, dans toute publication et cérémonies de remise des prix.
Le point 9.4.2 est important et nous avons un exemple récent puisqu’en 2020, Stroll et Latifi ont piloté sous licence états-unienne car l’association sportive canadienne avait perdu son accréditation auprès de la FIA (ce qui semble réglé). Cependant, les affichages et documents officiels le confirmant, ils avaient pu garder la nationalité canadienne.
Attention, ceci est valable pour la F1 et les autres « Compétitions d’un Championnat du Monde FIA ». Si on s’en réfère au point 9.4.1, prenons Latifi et Stroll dans une série telle que la F2, ils auraient dû prendre la nationalité américaine.
Les Russes en 2021
Pour en revenir au cas de la Russie, Nikita Mazepin roulait sous la bannière « RAF » (Fédération automobile de Russie) l’an dernier. Découlant de la controverse sur le dopage et de dissimulations parrainés par l’État aux Jeux olympiques d’hiver de 2014, une ordonnance du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) interdisait à la Russie de concourir au niveau d’un championnat du monde, ce qu’est la F1, pour deux ans. Dans tous les cas, Mazepin n’aurait pu donc reprendre son drapeau qu’en 2023.
Parallèlement, Robert Shwartzman arborait le drapeau russe en F2 car la Formule 2 n’est pas un championnat du monde. Ceci troublait pas mal de monde en 2021, voyant d’un côté Mazepin sous bannière neutre et de l’autre côté le pilote Prema avec son drapeau national.
Russie : l’annonce de la FIA du 1er mars 2022
Rentrons alors dans le vif du sujet. Suite à une réunion extraordinaire du Conseil mondial du sport automobile pour aborder les questions relatives à la situation actuelle en Ukraine, la FIA a annoncé des mesures le 1er mars 2022 pour les pilotes russes et biélorusses. La fédération s’est, d’autant plus, conformée aux recommandations du Comité International Olympique et voici l’ensemble des décisions à effet immédiat :
Compétitions organisées sur le territoire de la Russie et de la Biélorussie
- Aucune compétition internationale/de zone n’aura lieu en Russie et en Biélorussie, jusqu’à nouvel ordre.
- Aucun drapeau/symbole ou hymne de la Russie/Biélorussie ne doit être utilisé dans les compétitions internationales/de zone, jusqu’à nouvel ordre.
Pilotes, concurrents et officiels
- Pas d’équipes nationales russes/biélorusses pour participer aux compétitions internationales/de zone (par exemple, FIA Motorsport Games), jusqu’à nouvel ordre.
- Les pilotes, concurrents individuels et officiels russes/biélorusses ne participeront aux compétitions internationales/de zone qu’en leur qualité neutre et sous le « drapeau FIA », sous réserve d’un engagement spécifique et du respect des principes de paix et de neutralité politique de la FIA, jusqu’à nouvel ordre.
- Aucun symbole national russe/biélorusse, couleurs, drapeaux (uniforme, équipement et voiture) – ne doit être affiché ou les hymnes ne doivent être joués lors des compétitions internationales/de zone, jusqu’à nouvel ordre.
FIA Officiers élus/membres des commissions
- Les représentants des membres russes/biélorusses de la FIA se retirent temporairement de leurs rôles et responsabilités d’officiers élus/membres des commissions.*
Subventions FIA
- Aucune subvention de la FIA ne sera accordée aux membres russes/biélorusses de la FIA, jusqu’à nouvel ordre.*
- Aucune subvention FIA existante ne sera versée aux membres russes/biélorusses de la FIA.*
Calendrier Sportif International de la FIA
- Sur proposition du détenteur des droits commerciaux de la F1, annulation du Grand Prix F1 de Russie 2022 pour cas de force majeure.
* Sous réserve de l’approbation du Conseil Mondial de la Mobilité Automobile et du Tourisme
Les actions concrètes
Anticipations et réactions
Déjà, la F1 annonçait le 25 février « qu’il est impossible d’organiser le Grand Prix de Russie dans les circonstances actuelles ».
Pour le troisième jour des essais hivernaux catalans, Haas avait anticipé et avait déjà enlevé toutes les références à son sponsor titre Uralkali, filiale d’Uralchem. Rappelons que le groupe Uralchem, fabricant russe d’une large gamme de produits chimiques, est présidé par l’oligarque Dmitry Mazepin, père de Nikita Mazepin et proche de Vladimir Poutine.

Côté F2, ça bougeait également dès hier chez Hitech GP, qui était aussi affiliée à Uralkali :
Hitech Grand Prix filing history showing the transfer of ownership: https://t.co/ENo1hDk8Cp
— Decalspotters (@decalspotters) March 1, 2022
Les conséquences
Ainsi, pour en revenir à l’article 9.4 du code sportif international de la FIA, les pilotes de toutes les catégories devront abandonner les couleurs russes. Pour piloter, ils « ne participeront aux compétitions internationales/de zone qu’en leur qualité neutre et sous le drapeau FIA ».
Pour le moment, si on se concentre sur la F1, Nikita Mazepin est toujours en place. Ce sera donc à Haas d’agir avec son pilote russe par rapport à la perte (éventuelle, car pas encore annoncée officiellement) de son sponsor, Uralkali.
Pour ce qui est du Grand Prix de Russie (normalement Sochi encore en 2022 et supposément Igora Drive dès 2023), la F1 avait indiqué (en début de conflit) ne pas pouvoir courir là-bas « dans les circonstances actuelles ». Ce qui n’indiquait pas une annulation ferme. Là, la FIA indique bien que le Grand Prix de Russie 2022 n’aura pas lieu « pour cas de force majeure ».
Mise à jour du 3 mars 2022 : la F1 a tout bonnement annoncé avoir mis fin au contrat la liant au promoteur du Grand Prix de Russie. Le message est clair : « Cela signifie que la Russie n’aura plus de course à l’avenir ». Au revoir Sochi (palmarès parfait de Mercedes) et Igora Drive (prévu dès 2023).
Pour conclure, citons Mohammed Ben Sulayem, président actuel de la FIA :
« Nous [la FIA] condamnons l’invasion russe de l’Ukraine et nos pensées vont à tous ceux qui souffrent à la suite des événements en Ukraine. Je tiens à souligner que la FIA, en collaboration avec nos promoteurs, a agi de manière proactive sur cette question la semaine dernière et a communiqué en conséquence sur la Formule 1, la Formule 2, le WTCR et l’International Drifting Cup. Une version mise à jour des différents calendriers internationaux de la FIA sera présentée à la réunion du WMSC à Bahreïn pour approbation. »
Addenda
Réaction de Motorsport UK (Fédération automobile du Royaume-Uni)
Motorsport UK est l’organisation nationale des membres et l’organe directeur du sport automobile à quatre roues au Royaume-Uni, représentant les concurrents, les bénévoles, les clubs et les fans. Ils se sont prononcés sur le cas russe et vont plus loin que la FIA :
La reconnaissance des licences délivrées par la Fédération automobile de Russie (RAF) et la Fédération automobile de Biélorussie (BAF) est suspendue au Royaume-Uni. En conséquence :
- Aucune équipe licenciée russe / biélorusse n’est autorisée à participer à des compétitions de sport automobile au Royaume-Uni.
- Aucun officiel ou concurrent sous licence russe/biélorusse n’est autorisé à participer à des événements de sport automobile au Royaume-Uni.
- Aucun symbole, couleur ou drapeau national russe/biélorusse (sur l’uniforme, l’équipement et la voiture) ne doit être affiché lors des événements autorisés par Motorsport UK.
La décision de Motorsport UK a été prise en pleine consultation avec le gouvernement britannique et les instances dirigeantes nationales du sport afin de garantir une réponse unilatérale à la crise.
En d’autres termes pour Nikita Mazepin : il ne pourrait pas piloter à Silverstone, jusqu’à nouvel ordre.
Réaction de la RAF (Fédération automobile de Russie)
La Fédération automobile de Russie s’est exprimée et estime que toutes les organisations sportives, y compris la RAF et la FIA, doivent adopter une position neutre et se concentrer sur les réalisations sportives. Selon la RAF, tout ceci ne doit pas servir de pression politique.

Réaction de l’AKK (Fédération automobile de Finlande)
La Fédération nationale finlandaise du sport automobile applique la même politique que le Royaume-Uni. Ainsi, « les licenciés russes et biélorusses – athlètes et administrateurs – seront totalement exclus des compétitions finlandaises de sport automobile ».
Réaction de Svenk Bilsport (Fédération automobile de Suède)
Du côté des Suédois, on ne participera pas à des activités sur le sol russe ou biélorusse. La fédération suédoise n’autorisera pas non plus les pilotes russes à courir sur son sol.
Cela aura possiblement un impact sur la Formula Nordic et sur la manche de Sturup Raceway de la F4 danoise.