Les courses Sprint en F1 : stop ou encore ?

La saison 2022 de Formule 1 a repris en mars et le 23 avril 2022, la première course Sprint de la saison a démarré à Imola – la 4e de l’histoire – gagnée par Max Verstappen. Certains ont applaudi ce changement permettant au promoteur de la F1 de probablement « rajeunir » son audience, d’autres avaient des doutes sur ce format permettant de définir la grille de départ « définitive » du dimanche. À raison.

Lorsque le promoteur de la Formule 1 a annoncé en 2021 vouloir introduire des courses de F1 Sprint, la surprise chez les puristes était minimale. Cela était un secret de Polichinelle dans les paddocks que la F1 cherchait à attirer un nouveau public en proposant de nouvelles choses, et ce, depuis plusieurs années. Après tout, même Florentino Pérez, président du club de football du Real Madrid avait annoncé vouloir diminuer la durée des matchs de football.

Dans les cartons, on avait eu vent d’une Course Sprint avec une grille inversée comme en Formule 2 / Formule 3. Cette « initiative » mort-née s’était heurtée à la réaction des pilotes, notamment Lewis Hamilton en 2019. Ce dernier déclarant : « Les gens qui proposent ça ne savent pas de quoi ils parlent ». Deux ans plus tard, c’est finalement à Silverstone, théâtre du premier Grand Prix de l’histoire en 1950, que les courses Sprint vont débuter.

Avance rapide en avril 2022. Sur l’Autodromo Enzo e Dino Ferrari, la première course Sprint de la saison débute. Au lieu de seulement récompenser les 3 premiers comme en 2021, ce sont les 8 premiers qui reçoivent des points. Pourquoi pas.

En juillet 2021, Ross Brawn a lancé ces mots à Auto Hebdo : « Cette course va avoir une tout autre saveur que le Grand Prix. Pas de stratégies impliquées, pas d’arrêt au stand, pas d’économie de carburant, ça va être le pilote seul avec sa machine face à ses adversaires. » Le problème est qu’en plus de laisser le pilote seul dans son véhicule, la F1 laisse également seul le spectateur.

Le Sprint en F1 : simple aperçu de la course principale ?

Si les premiers tours (sur une course de 100 km) ont un certain intérêt, reste que les 75 % restants de la course sont soporifiques dus à l’absence totale de stratégie. Certes, si les voitures peuvent mieux se suivre (en théorie) seule la présence du DRS sur la ligne droite des stands du Grand Prix d’Émilie-Romagne sauve l’intérêt de ce sprint. Même si la zone d’activation est plus longue que l’autoroute Bologne-Florence… Max Verstappen en dépassant Charles Leclerc peut en témoigner.

IMOLA, ITALY – APRIL 23: Max Verstappen of the Netherlands driving the (1) Oracle Red Bull Racing RB18 overtakes Charles Leclerc of Monaco driving (16) the Ferrari F1-75 for the lead during Sprint ahead of the F1 Grand Prix of Emilia Romagna at Autodromo Enzo e Dino Ferrari on April 23, 2022 in Imola, Italy. (Photo by Dan Mullan/Getty Images) // Getty Images / Red Bull Content Pool // SI202204230363 // Usage for editorial use only //

De plus, avoir cette course Sprint est comme avoir une « preview » de la course principale du lendemain. Les incertitudes sur l’adhérence des pneus, leur durée de vie, la gestion du trafic… tout ce qui fait le sel d’une course de Formule 1 est gommé, car tout peut être prévu par les équipes sur le mur des stands.

Plus de points, moins d’enjeux ?

Du point de vue des pilotes, il était à prévoir que l’expérience de « course pure » communiquée à tort et à travers par la FOM n’était qu’un élément de langage. Difficile de voir un pilote tout risquer (en attaque comme en défense) pour dépasser un concurrent au point de mettre sa voiture dans le bac à graviers et compromettre sa course principale. Et ce, pour quelques 8, 7, 6, 5, 4, 3 points,… 2 points,… 1 point ? Ces hommes en combinaisons sont téméraires, mais ne leur demandez pas d’être totalement déconnectés de la réalité. Et puis, attribuer des points à tort et à travers, n’est-ce pas pour « relancer » artificiellement un potentiel Championnat du monde ?

La fin du mérite de la qualification

En plus de jouer sur les mots, la F1 et sa course Sprint font oublier les bonnes performances en qualification et les relèguent au second rang.

Récapitulatif 2022 et comparatif avec 2021 des courses sprint en F1
Récapitulatif 2022 et comparatif avec 2021 des courses sprint en F1

Exemple, Magnussen a arraché la 4e place à l’équipe Haas, mais à cause de sa mauvaise performance lors de la Course Sprint, il ne partira sur la grille de départ que 8e. Idem pour Alonso (parti 5e, arrivé 9e) et Vettel (parti 9e, arrivé 13e). De l’autre côté, Carlos Sainz est sorti de la piste en Q2, et partant 10e, il a réussi à accrocher la 4e place. Normal avec une Ferrari qui a l’air au-dessus de ses adversaires. Comme si le travail fait en qualification ne profitait en rien aux plus méritants… Et pourtant, la qualification est une séance de performance pure où seuls les plus rapides sont capables de se sublimer. Les onboards des tours de qualification sont plaisants à regarder, car il s’agit d’exercices de style et de précision. En faisant cette course Sprint, la F1 enlève ce mérite. Également, cette course Sprint peut faire sourire dans une période où la FOM n’a pas hésité à marteler le totem « réduction des coûts ». C’est vrai que cela peut faire sourire de faire plus de courses alors que de l’autre côté, on instaure un plafond budgétaire.

Il serait peu exagéré de dire que convaincre est un verbe que la Formula 1 a du mal à conjuguer pour ses courses Sprint. Bien que cette dernière joue la sourde oreille. Dernier exemple en date : suite à une remarque de George Russell, Ross Brawn s’est fendu d’un commentaire presque assassin :

« Chaque fois qu’un de mes pilotes a eu une mauvaise voiture, il s’est plaint de la course. Donc je pense que l’opinion de George, ou l’opinion de n’importe qui en fond de grille, ne sont pas des opinions que nous écoutons vraiment. (…) Les opinions que nous écoutons sont celles des gars qui étaient vraiment compétitifs, et qui font la course au milieu ou à l’avant. »

L’outrecuidance à son paroxysme, mais attention à la sortie de piste. La prochaine course Sprint de F1 n’est que dans trois mois…